Intéressons-nous aujourd’hui aux premières actions d’Adolf Hitler en tant que dernier chancelier de la République de Weimar. Vous allez voir que le reichskanzler n’a pas froid aux yeux dès qu’il s’agit d’installer en quelques jours, les bases d’une dictature totalitaire.
Jour 1 – 30 janvier 1933 : accepter les règles démocratiques
Adolf Hitler est nommé Chancelier par le Président du Reich, Paul von Hindenburg. Le nouveau Chancelier doit alors former le nouveau gouvernement en nommant ses différents ministres.
Petite précision : le Troisième Reich n’existe pas encore. Le terme de « Reich » est le terme légal de ce que les historiens nomment la République de Weimar. D’ailleurs, la constitution de la 1ère République d’Allemagne sera conservée par Hitler même si de facto elle va rapidement être « mise de côté ».
Hitler nomme seulement deux membres du parti National-socialiste à son premier gouvernement. Wilhelm Frick prend le ministère de l’Intérieur tandis qu’Hermann Göring devient ministre sans portefeuille (sans ministère attitré).
Si les élections législatives de novembre 1932 représentent une réussite pour le parti Nazi (près de 12 millions de voix sur 35 millions de votants), la majorité absolue n’est possible qu’à travers une coalition avec d’autres partis. Dès lors, un long processus de négociation a lieu jusqu’à fin janvier dans lequel la droite conservatrice parvient à obtenir la majorité des ministères. Cette situation satisfait Hitler car cela lui permet d’être nommé par Hindenburg tout en présentant une façade de stabilité à l’Armée et aux industriels.
Franz Von Papen, un député de la droite traditionnelle ayant activement participé aux négociations dira d’ailleurs à un collègue : « Nous l’avons engagé pour nous-mêmes (…) D’ici deux mois nous l’aurons tellement coincé qu’il couinera »…
Pour finir cette première journée bien chargée rien de tel qu’une procession de nuit. En effet, Hitler demande au SA (Section d’Assaut) d’organiser un grand rassemblement de Berlinois afin de commencer à asseoir sa prise de pouvoir. La procession réunit plusieurs dizaines de milliers de militants portant chacun une torche. Cette scène sera évidemment filmée et abondamment utilisée à des fins de propagande par le parti Nazi.
Jour 2 – 31 janvier 1933 : le chancelier relance les dés
Le lendemain de sa nomination en tant que chancelier, Hitler annonce la dissolution du Parlement (Reichstag). L’élection des nouveaux députés aura lieu le 5 mars.
Hitler espère être en mesure de renforcer sa position au sein même au Reichstag grâce aux prochaines élections. La stratégie de Von Papen est donc très clairement remise en question dès les premières 48 heures au pouvoir du chancelier.
Jour 3 – 1er février 1933 : le début des campagnes legislatives
Radio déclaration d’Adolf Hitler le soir de son troisième jour en tant que chancelier. Le texte est quasi intégralement écrit par le chancelier, la partie concernant la famille et le christianisme est un ajout du Vice-chancelier : Franz Von Papen. Le discours radio-diffusé sera aussi imprimé dans les journaux et constitue le début effectif de la campagne du parti nazi pour les élections législatives de mars 1933.
En substance, le discours critique ouvertement le marxisme :
« Quatorze années de marxisme ont nuit à l’Allemagne. Une année de bolchevisme détruirait le pays. […] Nous devons vaincre la démoralisation créée par les Communistes. […] Le gouvernement national va ainsi déclarer une guerre sans merci envers toute forme de nihilisme spirituel, politique et culturel. L’Allemagne ne doit et ne va pas sombrer dans l’anarchie communiste »
Il appelle à l’unité pour faire face aux grand défis qui arrivent :
« Agriculteurs, ouvriers et toute la classe moyenne doivent s’unir pour fabriquer les briques qui formeront le nouveau Reich. […] Nous ne reconnaissons pas de classes mais uniquement un peuple allemand, ses millions d’agriculteurs, de citoyens et d’ouvriers qui ensemble, surmonteront cette période de détresse ou y succomberont. »
En outre, il propose (de manière peu détaillée) ses solutions afin de redynamiser l’économie Allemande. Ainsi parle t-il de deux plans de quatre ans pour vaincre le chômage, sécuriser la production alimentaire pour que tous puissent manger à leur faim.
On notera, pour finir, la teinte pacifiste de ce premier discours :
« Le gouvernement est conscient de son obligation à défendre (…) le maintien et la consolidation de la paix dont le monde a besoin aujourd’hui comme jamais auparavant. »
Jour 4 – 2 février 1933 : chasser le naturel, il revient au galop
Les manifestations organisées par des entités communistes sont désormais interdites tandis qu’à Berlin le QG du parti communiste (Karl–Liebknecht-Haus) est attaqué par la SA. Cette attaque sera reprise par la propagande nazie sous la forme d’un jeu des jeunesses hitlériennes.
Hitler est invité à la première de Morgenrot. Premier film allemand autour des sous-marins de la Grande guerre, la représentation du militarisme allemand saura grandement satisfaire l’audience du cinéma Ufa-Palast am Zoo de Berlin. Le magazine de cinéma Film-Kurier résumera ainsi le film :
« Une fois encore ils prennent la mer contre l’Angleterre. Le drapeau de la guerre flotte fièrement dans les airs et l’Allemagne vivra même si nous devons mourir pour cela ! »
Jour 5 – 3 février 1933 : « Power is power » (Cersei Lannister)
Hitler prend conscience que l’état actuel de l’Armée allemande ne permet pas au pays d’être reconnu à sa juste valeur dans le concert des nations. Avec une limitation à 100 000 hommes et aucun char ni avion militaire, l’Allemagne est entourée de potentiels adversaires plus puissants qu’elle. Le chancelier doit alors jouer d’ambiguïté pour relancer la machine de guerre allemande tout en donnant des gages de son pacifisme.
Jour 6 – 4 février 1933 : la démocratie allemande en péril
Se basant sur l’article 48, paragraphe 2 de la constitution de 1919 disant que :
Le président du Reich peut, lorsque la sûreté et l’ordre public sont gravement troublés ou compromis au sein du Reich, prendre les mesures nécessaires à leur rétablissement ; en cas de besoin, il peut recourir à la force. A cette fin, il peut suspendre totalement ou partiellement l’exercice des droits fondamentaux garantis aux articles 114, 115, 117, 118, 123, 124 et 153.
Hitler parvient à faire signer du Président Hindenburg des ordonnances « pour la protection du peuple allemand » lesquels portent clairement atteintes aux libertés fondamentales des citoyens allemands.
Parmi les 26 mesures on retrouve de plus fortes contraintes concernant la liberté de la presse et le rassemblement d’individus (manifestations ou réunions publiques). Ces ordonnances sont signées suite aux récentes montées des violences dans le pays (entre communistes et militants nazis notamment). Elles s’avèrent aussi pratiques pour museler l’information et les actions des groupes politiques adverses alors que la campagne législative débute à peine.
Jour 7 – 5 février 1933 : Au 7ème jour, Hitler ne se reposa pas
Hitler rend un dernier hommage au chef des SA Hans Maikowski ainsi qu’au policier Josef Zauritz, tous deux tués suite à une échauffourée avec des militants communistes au niveau de la rue Zillestraße (quartier de Charlottenburg) le 30 janvier 1933, soit le soir de la nomination d’Adolf Hitler par le Président Hindenburg.
Conclusion :
Adolf Hitler a donc eu une première semaine bien chargée en tant que chancelier du Reich ! Tissant peu à peu les toiles d’un Etat totalitaire et militariste, Hitler n’aura de cesse de renforcer son pouvoir en usant des boucs-émissaires.
Sources de l’anecdote :
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