Cette anecdote historique fait suite à l’article : « Pourquoi Napoléon fut condamné deux fois à l’exil au lieu d’être exécuté« .
L’île d’Elbe est surtout connue comme lieu du premier exil de Napoléon Bonaparte à la suite de son abdication en avril 1814 :
« Les puissances alliées ayant proclamé que l’empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’empereur Napoléon, fidèle a son serment, déclare qu’il renonce, pour lui et ses héritiers aux trônes de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun sacrifice personnel, même celui de la vie, qu’il ne soit prêt à faire à l’intérêt de la France. »
(Acte d’abdication de l’empereur Napoléon, fait au palais de Fontainebleau, le 11 avril 1814)
Cette île, sur les côtes italiennes aurait pu rester française ou devenir un micro-état comme Monaco ou San Marin. Or, elle est aujourd’hui encore la propriété de l’Etat italien. Retour sur l’Histoire de l’île d’Elbe entre sa prise de contrôle par la France en 1801 à son rattachement à l’Etat italien en 1861.
L’île d’Elbe, une possession (presque) française depuis 1801
Le 21 mars 1801 le traité d’Aranjuez permet notamment à la France de devenir propriétaire de l’île d’Elbe. Le problème c’est qu’à ce moment là, la France est toujours en guerre contre les nations coalisées contre elle (pour la deuxième fois depuis la Révolution). De fait, la France ne peut jouir de sa possession en méditerranée car la perfide Albion l’occupe.
la signature du traité d’Amiens le 25 mars 1802 met un point final à la deuxième coalition des nations européennes contre la France révolutionnaire. Le traité indique d’ailleurs que les troupes britanniques stationnées dans le port principal de l’île d’Elbe – Portoferraio – doit être évacué :
« Les troupes françaises évacueront le royaume de Naples et l’Etat romain ; les forces anglaises évacueront pareillement Porto-Ferraïo, et généralement tous les ports et îles qu’elles occuperaient dans la Méditerranée ou dans l’Adriatique. »
(Article XI du traité du Traité de la Paix d’Amiens)
Les petites îles autour d’Elbe sont elles aussi intégrées à la circonscription administrative en charge de la gestion de ces nouveaux territoires français situés à moins de 50 kilomètres de la Corse. Pour l’anecdote, la Corse est un territoire rattaché à la France depuis 1768, soit à peine 33 ans au moment où l’île d’Elbe devient elle-même française.
La principauté d’Elbe : quand Napoléon régnait sur la petite île de 12 000 habitants
Après l’abdication de Napoléon en avril 1814, les nations coalisées s’interrogent sur son sort. Comme expliqué dans un précédent article, l’exil lui est préféré à l’exécution. Le Tsar Alexandre Ier voulant se montrer magnanime force la main de ses alliés concernant le choix du lieu d’exil. Napoléon avait le choix entre Corfou et Elbe, c’est la deuxième option qui fut choisie.
« L’île d’Elbe, adoptée par S.M l’empereur Napoléon pour lieu de son séjour, formera, sa vie durant, une principauté séparée qui sera possédée par lui en toute souveraineté et propriété. »
(Article III du Traité de Fontainebleau)
L’île devient alors la Principauté d’Elbe. On estime sa population à quelques dizaines de milliers d’âmes tout au plus. A titre de comparaison, à l’apogée de l’Empire français en 1812, Napoléon gouvernait directement un territoire comptant 130 départements pour un peu plus de 42 millions d’habitants !
Le retour de l’île d’Elbe au sein du duché de Toscane en 1815
Le 26 février 1815 Napoléon quitte le port de Portoferraio en direction de la France. Son arrivée à Vallauris le 1er mars marque le début des Cent-Jours.
La septième coalition se forme alors en Europe et la défaite de Waterloo met un point final aux espérances de Napoléon de reprendre les rênes du destin français. Les nations coalisées sont alors libres de décider du futur de l’Europe. Napoléon sera envoyé en exil à St Hélène tandis que la France perd de nombreux territoires qu’elle avait annexé depuis la Révolution. On peut citer la Belgique, le comté de Nice ou encore la Savoie.
En outre, qu’advient-il de l’archipel toscan et plus précisément de l’île d’Elbe ?
Sans les efforts de Ferdinand III de Toscane, il est probable que l’ex principauté d’Elbe aurait pu rester française voire devenir un micro-état comme Monaco ou Saint-Marin.
Ferdinand III de Toscane, un règne très « mobile »
Deuxième fils de Léopold II, empereur du Saint-Empire de 1747 à 1792 et de Marie-Louise de Bourbon, infante d’Espagne, Ferdinand est né et a grandi à Florence. Les guerres napoléoniennes l’ont contraint à renoncer en 1801 au grand-duché de Toscane au profit d’un Bourbon-Parme puis d’Elisa Bonaparte (l’une des sœurs de Napoléon) en 1807.
De là, il passera plusieurs années à voyager en Europe au gré de ses nouveaux titres plus ou moins provisoires. Il récupère par exemple les terres de l’archidiocèse de Salzbourg mais… jusqu’en 1805 car ce territoire est annexé par l’empereur d’Autriche (son frère) lors du Traité de Presbourg. On lui donne alors le grand-duché de Wurtzbourg au sein de la Confédération du Rhin…
Lors des discussions du Congrès de Vienne Ferdinand mettra tout en oeuvre pour récupérer les pleins pouvoir sur le territoire d’Italie. C’est ainsi que le Congrès accepta ses demandes de remettre en place le grand duché de Toscane tout en abolissant la Principauté d’Elbe, la rendant, de fait, une propriété du Grand-duc de Toscane Ferdinand, redevenu de fait Ferdinand III de Toscane :
» S. A. I. et R. [Son Altesse Impériale et Royale ] l’archiduc Ferdinand d’Autriche est rétabli, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs, dans tous les droits de souveraineté et propriété sur le Grand-Duché de Toscane et ses dépendances.
Il sera en outre réuni audit Grand-Duché, pour être possédés en toute propriété et souveraineté par S. A. I. et R. le Grand-Duc Ferdinand et ses héritiers et descendants :
1° L’État des Présides ;
2° La partie de l’île d’Elbe et de ses appartenances qui était sous la suzeraineté de S. M. le Roi des Deux Siciles avant l’année 1801″ (…)(Article 100 Acte final du Congrès de Vienne du 9 Juin 1815)
Conclusion
Suite à la réunification de l’Italie (favorisée par Napoléon III) en 1861, le Royaume récompensa l’Empereur des français en lui transférant la souveraineté de Nice et de la Savoie mais pas de l’île d’Elbe. Aussi, depuis cette date, l’île ayant fait office de premier exil à Napoléon Bonaparte, demeure une possession italienne.
Cet article montre bien à quel point les territoires européens pouvaient passer de mains en mains très rapidement à l’issue des guerres napoléoniennes. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’existe pas encore et devra attendre que le sentiment d’appartenance nationale infuse suffisamment en Europe. C’est donc bien par la volonté d’un homme que l’île d’Elbe est aujourd’hui italienne et non pas française.
Sources de l’anecdote
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