Les nazis étaient-ils écolos ? Il est vrai que les nazis sont les auteurs d’une des premières grandes lois pour la protection et la conservation de la nature: la Reichsnaturschutzgesetz (Loi pour la protection de la nature au sein du Reich allemand). Il convient cependant de revenir aujourd’hui sur la mise en pratique de cette loi durant le 3ème Reich.
La loi en théorie : une véritable volonté de protéger la nature allemande
Les racines de la loi pour la protection de la nature remontent au XIXème siècle avec les écrits de naturalistes comme Alexander von Humboldt. Ces derniers cherchaient à identifier l’ensemble des éléments naturels propres à chaque pays : grottes, cours d’eau, formations rocheuses, arbres anciens… Chaque élément était unique en soi et devait ainsi être respecté.
Avec la formation des Etats-nations au XIXème siècle, il apparaissait que les Etats devaient être les garants de la protection de leur patrimoine naturel. On retrouve d’ailleurs cette prise en compte étatique de la nature au sein même de la Constitution de la République de Weimar (1919) à l’article 150 :
« Les monuments artistiques, historiques et naturels ainsi que les paysages jouissent de la protection et des soins de l’État. »
L’objectif est posé mais le cadre législatif reste flou. C’est là qu’intervient la loi pour la protection de la nature au sein du Reich allemand le 26 juin 1935. La loi entend ainsi réguler la construction dans certaines zones considérées comme sensibles. Elle définit la protection des plantes et des animaux non chassables. Enfin elle précise les instruments (agences) chargés du respect de cette nouvelle loi.
La loi en pratique : une exécution plus hasardeuse
Dire que la loi n’a jamais eu d’effets dans la réalité serait trompeur. Il existe encore aujourd’hui des plaques indiquant un monument naturel protégé par l’Etat. Ainsi, en 1940 800 réserves naturelles étaient enregistrées et plus de 50 000 monuments naturels reconnus comme tels.
Cependant, force est de constater que la protection environnementale n’apparaissait pas dans les priorités du gouvernement d’Adolf Hitler :
La construction des autoroutes (autobahn)
L’une des mesures phares d’Hitler en tant que chancelier du Reich fut d’investir lourdement dans la construction d’autoroutes afin de relier les plus grandes villes du pays.
Le projet était d’ordre économique (favoriser les transports et combattre le chômage), politique (rapprocher le peuple allemand) et bien-sûr, miliaire en permettant un transport plus rapide des troupes au sein du territoire. Cette dernière raison est d’autant plus importante qu’Hitler avait, comme Bismarck en son temps, une lubie de la peur de l’encerclement par des Etats ennemis. En effet, combattre sur deux fronts opposés demande une logistique incroyablement rigoureuse. En cela les autobahn répondaient à l’enjeu de rapidité des convois d’armes et de renforts.
3000 kilomètres d’autobahn furent construits d’ici la fin de 1938. Considérant le fort volontarisme dans ce projet national, il est clair que la protection environnementale passait alors au second plan.
La priorité donnée à l’effort de guerre
En effet, les besoins en remilitarisation éludent complètement les considérations environnementales dès 1936. La nécessite d’autarcie pour se préparer aux embargos des autres nations engendre alors une exploitation très court-termiste de la nature allemande.
En cela, l’économie de guerre rend très vite la loi pour la protection de la nature au sein du Reich allemand quasi obsolète. Un exemple édifiant de l’équilibrage en faveur de l’économie concerne la construction des barrages de Hohenwarte (1936) et de celui de l’Okertal (1938).
Ainsi, la construction du barrage de Hohenwarte, dont les travaux ont débuté en 1936, a nécessité l’expropriation de 250 habitants des villages alentours tandis que le village de Preßwitz fut totalement inondé en 1938. Les conséquences néfastes sur l’écosystème étaient connues mais importaient moins que le gain économique qui en résulterait.
Conclusion :
Il faut être rigoureux et ne pas tomber dans le panneau de la propagande. En 2002, Elisabeth Hardouin-Fugier fustigeait à ce propos les écrits de Luc Ferry concernant la protection animale mise en place pendant le 3ème Reich.
Dans le cas présent, nous avons vu qu’il existe clairement une différence fondamentale entre la conceptualisation d’une loi et son exécution. L’agenda politique a changé avec le contexte de remilitarisation du Troisième Reich ce qui s’est fait aux dépens des considérations environnementales.
Pour finir, il serait aussi trompeur de dire que les nazis furent les premiers à agir politiquement pour la préservation de la nature. En effet, aux Etats-unis le parc Yellowstone fut fondé en 1872 et la création du National Park Service par le président Woodrow Wilson date de 1916. La mission de l’agence est de protéger les parcs et les monuments nationaux au niveau fédéral. Surtout, le Rivers and Harbors Appropriation Act (1899) visait déjà à protéger l’environnement américain en punissant pénalement tous ceux qui pollueraient volontairement les eaux navigables.