NapolĂ©on Ier. Empereur des Français en 1804. ConquĂ©rant et stratĂšge redoutable, il fut pourtant dĂ©fait par deux fois en 1814 et en 1815. Dans les deux cas les coalisĂ©s ont prĂ©fĂ©rĂ© envoyer NapolĂ©on Bonaparte en exil plutĂŽt que de lâexĂ©cuter. Analysons les raisons de ces choix.
Ce nâest pas dans la coutume dâexĂ©cuter un autre chef dâEtat
ExĂ©cuter le chef de lâEtat serait une action infamante. Les cours europĂ©ennes avaient dâailleurs Ă©tĂ© profondĂ©ment choquĂ©es quâon puisse dĂ©capiter le roi de France et sa femme. Aussi, il aurait Ă©tĂ© dĂ©gradant de se rabaisser aux actions des RĂ©volutionnaires.
Lâexil et surtout lâemprisonnement reste dans lâHistoire le sort le plus classique rĂ©servĂ© aux monarques. Ainsi, Saladin nâexĂ©cuta pas Guy de Lusignan aprĂšs sa victoire Ă Hattin en 1187. Le sort rĂ©servĂ© Ă Renaud de ChĂątillon sera plus sĂ©vĂšre mais ce dernier nâĂ©tait pas Roi de JĂ©rusalem. Les Anglais nâexĂ©cutĂšrent pas Jean II le bon aprĂšs leur victoire Ă la bataille de Potier (1356) en pleine Guerre de Cent ans. MĂȘme clĂ©mence vis-Ă -vis de François 1er en 1525 Ă la suite de la dĂ©faite de Pavie contre lâempereur Charles Quint. Autant dâexemples soulignant le respect dĂ» Ă son adversaire de par son rang⊠sans compter la rançon possible en maintenant en vie un tel prisonnier.
Un procÚs contre Napoléon ?
Les nobles europĂ©ens auraient bien pu le considĂ©rer comme un parvenu dont les vellĂ©itĂ©s ont causĂ©s la mort de dizaines de milliers de personnes. Un procĂšs, la guillotine et on en parle plus. Sauf que cette idĂ©e de procĂšs est pratiquement inimaginable pour lâĂ©poque :
Napoléon Ier, empereur par la grùce de Dieu
NapolĂ©on Bonaparte fut couronnĂ© empereur par le Pape en personne en 1804 (et ce mĂȘme si câest bien NapolĂ©on lui-mĂȘme qui apposa la couronne sur sa tĂȘte pour bien montrer que câest lui qui possĂšde le pouvoir). CâĂ©tait donc le reprĂ©sentant de Dieu sur Terre qui officialisait le pouvoir de NapolĂ©on sur le territoire français. A une Ă©poque oĂč les monarques europĂ©ens lĂ©gitimaient leur place sur le trĂŽne par la grĂące divine, lâacte de NapolĂ©on ne pouvait ĂȘtre balayĂ© dâun simple revers de la main. Il nâĂ©tait donc pas considĂ©rĂ© comme un vulgaire leader rĂ©volutionnaire. Un procĂšs envers un autre chef dâEtat aurait ainsi Ă©tĂ© une premiĂšre bien difficile Ă mettre en place.
Sur quels motifs le condamner ?
Plusieurs questions techniques auraient dĂ» ĂȘtre soulevĂ©es. Par exemple, quel droit utiliser ? Celui de la France ? Celui de la Grande-Bretagne considĂ©rant que lâempereur a rendu les armes au capitaine Maitland ? Ou encore celui de la Russie ou de la Prusse, autres nations coalisĂ©es contre le Corse et qui ont leur mot Ă dire sur le sort de Bonaparte.
Surtout, quels griefs utiliser contre NapolĂ©on lors de son procĂšs ? En effet, lâidĂ©e de crimes de guerres nâexiste que depuis les Conventions de La Haye de 1899 et 1907. Surtout, il faudra attendre les procĂšs de Nuremberg en 1945-1946 pour quâon puisse condamner des personnes physiques sur le principe des crimes de guerre ! Avant cela, la possibilitĂ© de dĂ©clarer la guerre Ă©tait considĂ©rĂ© comme un droit naturel des souverains. Qui plus est, câest bien souvent les CoalisĂ©s eux-mĂȘmes qui ont dĂ©clarĂ© la guerre Ă la France afin de limiter sa puissance. Il aurait donc Ă©tĂ© plus quâhypocrite de blĂąmer NapolĂ©on pour cela.
Eviter de créer un martyr de plus pour la France
ProcĂšs ou non, de nombreuses voix sâĂ©lĂšvent tout de mĂȘme afin dâen finir une fois pour toute avec le Corse. Ainsi, dans une lettre de Wellington Ă Sir Charles Stuart, alors ambassadeur britannique en France (1815), il Ă©crit :
BlĂŒcher souhaite quâil [NapolĂ©on] soit exĂ©cutĂ© mais je lui ai dĂ©clarĂ© que jâinsisterais pour quâon dispose de lui dâun commun accord. Jâai aussi dit Ă BlĂŒcher, en tant quâami proche, que je ne lui conseillais de ne pas se mĂȘler dâune affaire aussi nausĂ©abonde, que lui et moi avions jouĂ© un rĂŽle bien trop noble dans les Ă©vĂ©nements rĂ©cents pour devenir des bourreaux, et enfin que jâĂ©tais dĂ©terminĂ© Ă refuser de le devenir si les souverains souhaitaient le mettre Ă mort.
Comme on peut le voir, le gĂ©nĂ©ral prussien est animĂ© par un dĂ©sir de vengeance et entend faire payer NapolĂ©on pour ses actions. Cet esprit de revanche est dâailleurs une clĂ© essentielle de comprĂ©hension des relations franco-allemandes depuis le XIXĂšme siĂšcle. De son cĂŽtĂ©, Arthur Wellesley, duc de Wellington adopte une position bien plus conciliante vis-Ă -vis du sort de NapolĂ©on. Il ne souhaite pas avoir le sang de NapolĂ©on sur les mains. Surtout, il comprend bien que lâexĂ©cution de NapolĂ©on apporterait plus de problĂšmes que de solutions.
En effet, en lâexĂ©cutant, NapolĂ©on aurait pu devenir un martyr comme la France sait si bien les crĂ©er (Jeanne dâArc). Le Corse serait devenu un symbole de lâoppression des monarques Ă©trangers. A une Ă©poque oĂč les sentiments nationaux se construisent peu Ă peu autour de symboles forts comme le drapeau ou lâhymne, lâexĂ©cution de lâEmpereur aurait pu servir de porte-Ă©tendard contre les « ennemis de la France ».
Lâexil de NapolĂ©on Ă©tait la meilleure solution pour retrouver la stabilitĂ© en Europe
Les souverains victorieux cherchent par dessus tout à faire revenir la stabilité sur le continent européen. Le préambule du Traité de paix de Paris (1815) indique en ce sens :
« Les Puissances AlliĂ©es ayant, par leurs efforts rĂ©unis et par le succĂšs de leurs armes, prĂ©servĂ© la France et lâEurope des bouleversements dont elles Ă©taient menacĂ©es par le dernier attentat de NapolĂ©on Bonaparte, et par le systĂšme rĂ©volutionnaire reproduit en France pour faire rĂ©ussir cet attentat ;
Partageant aujourdâhui avec S.M.T.C. [Sa MajestĂ© TrĂšs ChrĂ©tienne, c.a.d le roi de France] le dĂ©sir de consolider (âŠ) lâordre de choses heureusement rĂ©tabli en France, ainsi que celui de ramener, entre la France et ses voisins, ces rapports de confiance et de bienveillance rĂ©ciproque que les funestes effets de la rĂ©volution et du systĂšme de conquĂȘte avaient troublĂ©s pendant si longtemps⊠»
Pour ramener la paix et la stabilitĂ© en Europe lâexil de NapolĂ©on reprĂ©sente de fait la meilleure solution. En effet, elle a le mĂ©rite dâĂ©viter toute effusion de sang tout en garantissant une mise Ă lâindex du fauteur de troubles corse. Sâil Ă©tait clair depuis le dĂ©but quâil fallait que le Corse vive loin des intrigues politiques du vieux continent, il fallait pour cela lâexiler plus loin que lâĂźle dâElbe, Ă moins de 50 kilomĂštres de lâĂźle natale de lâempereur dĂ©chu⊠Câest donc lâĂźle de Saint-HĂ©lĂšne qui fut choisi pour servir dâoubliettes Ă NapolĂ©on Bonaparte.
Conclusion :
Ainsi, le Concert de Vienne voulait en finir avec lâidĂ©e de NapolĂ©on sans en finir avec NapolĂ©on pour autant.
Par deux fois la voie diplomatique fut prĂ©fĂ©rĂ©e au risque dâune guĂ©rilla orchestrĂ©e par les gĂ©nĂ©raux encore fidĂšles Ă Bonaparte. AprĂšs tout, ce quâa montrĂ© les Cent jours de NapolĂ©on, câest que le Corse avait encore de nombreux alliĂ©s en France notamment. Le marĂ©chal Ney sera dâailleurs exĂ©cutĂ© par le nouveau pouvoir royal pour sâĂȘtre ralliĂ© Ă lâexilĂ© alors quâil avait promis au roi « de lui ramener Bonaparte dans une cage de fer ».
Le choix des nations victorieuses rĂ©pondent Ă la volontĂ© de retrouver la paix, la stabilitĂ© et si possible le statu quo ante bellum câest Ă dire la situation dâavant la RĂ©volution. La rĂ©alitĂ© sera Ă©videmment plus compliquĂ©e que prĂ©vue, mais ça, câest pour un autre article đ
Sources de lâanecdotes
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