NapolĂ©on Ier. Empereur des Français en 1804. ConquĂ©rant et stratĂšge redoutable, il fut pourtant dĂ©fait par deux fois en 1814 et en 1815. Dans les deux cas les coalisĂ©s ont prĂ©fĂ©rĂ© envoyer NapolĂ©on Bonaparte en exil plutĂŽt que de l’exĂ©cuter. Analysons les raisons de ces choix.

Ce n’est pas dans la coutume d’exĂ©cuter un autre chef d’Etat

ExĂ©cuter le chef de l’Etat serait une action infamante. Les cours europĂ©ennes avaient d’ailleurs Ă©tĂ© profondĂ©ment choquĂ©es qu’on puisse dĂ©capiter le roi de France et sa femme. Aussi, il aurait Ă©tĂ© dĂ©gradant de se rabaisser aux actions des RĂ©volutionnaires.

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ExĂ©cution Ă  la guillotine de Louis XVI place de la RĂ©volution (aujourd’hui place de la Concorde) Ă  Paris, le 21 janvier 1793

L’exil et surtout l’emprisonnement reste dans l’Histoire le sort le plus classique rĂ©servĂ© aux monarques. Ainsi, Saladin n’exĂ©cuta pas Guy de Lusignan aprĂšs sa victoire Ă  Hattin en 1187. Le sort rĂ©servĂ© Ă  Renaud de ChĂątillon sera plus sĂ©vĂšre mais ce dernier n’était pas Roi de JĂ©rusalem. Les Anglais n’exĂ©cutĂšrent pas Jean II le bon aprĂšs leur victoire Ă  la bataille de Potier (1356) en pleine Guerre de Cent ans. MĂȘme clĂ©mence vis-Ă -vis de François 1er en 1525 Ă  la suite de la dĂ©faite de Pavie contre l’empereur Charles Quint. Autant d’exemples soulignant le respect dĂ» Ă  son adversaire de par son rang
 sans compter la rançon possible en maintenant en vie un tel prisonnier.

Un procÚs contre Napoléon ?

Les nobles europĂ©ens auraient bien pu le considĂ©rer comme un parvenu dont les vellĂ©itĂ©s ont causĂ©s la mort de dizaines de milliers de personnes.  Un procĂšs, la guillotine et on en parle plus. Sauf que cette idĂ©e de procĂšs est pratiquement inimaginable pour l’époque :

Napoléon Ier, empereur par la grùce de Dieu

NapolĂ©on Bonaparte fut couronnĂ© empereur par le Pape en personne en 1804 (et ce mĂȘme si c’est bien NapolĂ©on lui-mĂȘme qui apposa la couronne sur sa tĂȘte pour bien montrer que c’est lui qui possĂšde le pouvoir). C’était donc le reprĂ©sentant de Dieu sur Terre qui officialisait le pouvoir de NapolĂ©on sur le territoire français. A une Ă©poque oĂč les monarques europĂ©ens lĂ©gitimaient leur place sur le trĂŽne par la grĂące divine, l’acte de NapolĂ©on ne pouvait ĂȘtre balayĂ© d’un simple revers de la main. Il n’était donc pas considĂ©rĂ© comme un vulgaire leader rĂ©volutionnaire. Un procĂšs envers un autre chef d’Etat aurait ainsi Ă©tĂ© une premiĂšre bien difficile Ă  mettre en place.

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Le Sacre de Napoléon par Jacques-Louis David (1808 musée du Louvre)

Sur quels motifs le condamner ?

Plusieurs questions techniques auraient dĂ» ĂȘtre soulevĂ©es. Par exemple, quel droit utiliser ? Celui de la France ? Celui de la Grande-Bretagne considĂ©rant que l’empereur a rendu les armes au capitaine Maitland ? Ou encore celui de la Russie ou de la Prusse, autres nations coalisĂ©es contre le Corse et qui ont leur mot Ă  dire sur le sort de Bonaparte.

Surtout, quels griefs utiliser contre NapolĂ©on lors de son procĂšs ? En effet, l’idĂ©e de crimes de guerres n’existe que depuis les Conventions de La Haye de 1899 et 1907. Surtout, il faudra attendre les procĂšs de Nuremberg en 1945-1946 pour qu’on puisse condamner des personnes physiques sur le principe des crimes de guerre ! Avant cela, la possibilitĂ© de dĂ©clarer la guerre Ă©tait considĂ©rĂ© comme un droit naturel des souverains. Qui plus est, c’est bien souvent les CoalisĂ©s eux-mĂȘmes qui ont dĂ©clarĂ© la guerre Ă  la France afin de limiter sa puissance. Il aurait donc Ă©tĂ© plus qu’hypocrite de blĂąmer NapolĂ©on pour cela.

Eviter de créer un martyr de plus pour la France

ProcĂšs ou non, de nombreuses voix s’élĂšvent tout de mĂȘme afin d’en finir une fois pour toute avec le Corse. Ainsi, dans une lettre de Wellington Ă  Sir Charles Stuart, alors ambassadeur britannique en France (1815), il Ă©crit :

BlĂŒcher souhaite qu’il [NapolĂ©on] soit exĂ©cutĂ© mais je lui ai dĂ©clarĂ© que j’insisterais pour qu’on dispose de lui d’un commun accord. J’ai aussi dit Ă  BlĂŒcher, en tant qu’ami proche, que je ne lui conseillais de ne pas se mĂȘler d’une affaire aussi nausĂ©abonde, que lui et moi avions jouĂ© un rĂŽle bien trop noble dans les Ă©vĂ©nements rĂ©cents pour devenir des bourreaux, et enfin que j’étais dĂ©terminĂ© Ă  refuser de le devenir si les souverains souhaitaient le mettre Ă  mort.

Comme on peut le voir, le gĂ©nĂ©ral prussien est animĂ© par un dĂ©sir de vengeance et entend faire payer NapolĂ©on pour ses actions. Cet esprit de revanche est d’ailleurs une clĂ© essentielle de comprĂ©hension des relations franco-allemandes depuis le XIXĂšme siĂšcle. De son cĂŽtĂ©, Arthur Wellesley, duc de Wellington adopte une position bien plus conciliante vis-Ă -vis du sort de NapolĂ©on. Il ne souhaite pas avoir le sang de NapolĂ©on sur les mains. Surtout, il comprend bien que l’exĂ©cution de NapolĂ©on apporterait plus de problĂšmes que de solutions.

En effet, en l’exĂ©cutant, NapolĂ©on aurait pu devenir un martyr comme la France sait si bien les crĂ©er (Jeanne d’Arc). Le Corse serait devenu un symbole de l’oppression des monarques Ă©trangers. A une Ă©poque oĂč les sentiments nationaux se construisent peu Ă  peu autour de symboles forts comme le drapeau ou l’hymne, l’exĂ©cution de l’Empereur aurait pu servir de porte-Ă©tendard contre les « ennemis de la France Â».

L’exil de NapolĂ©on Ă©tait la meilleure solution pour retrouver la stabilitĂ© en Europe

Les souverains victorieux cherchent par dessus tout Ă  faire revenir la stabilitĂ© sur le continent europĂ©en. Le prĂ©ambule du TraitĂ© de paix de Paris (1815) indique en ce sens :

« Les Puissances AlliĂ©es ayant, par leurs efforts rĂ©unis et par le succĂšs de leurs armes, prĂ©servĂ© la France et l’Europe des bouleversements dont elles Ă©taient menacĂ©es par le dernier attentat de NapolĂ©on Bonaparte, et par le systĂšme rĂ©volutionnaire reproduit en France pour faire rĂ©ussir cet attentat ;

Partageant aujourd’hui avec S.M.T.C. [Sa MajestĂ© TrĂšs ChrĂ©tienne, c.a.d le roi de France] le dĂ©sir de consolider (
) l’ordre de choses heureusement rĂ©tabli en France, ainsi que celui de ramener, entre la France et ses voisins, ces rapports de confiance et de bienveillance rĂ©ciproque que les funestes effets de la rĂ©volution et du systĂšme de conquĂȘte avaient troublĂ©s pendant si longtemps
 Â»

Pour ramener la paix et la stabilitĂ© en Europe l’exil de NapolĂ©on reprĂ©sente de fait la meilleure solution. En effet, elle a le mĂ©rite d’éviter toute effusion de sang tout en garantissant une mise Ă  l’index du fauteur de troubles corse. S’il Ă©tait clair depuis le dĂ©but qu’il fallait que le Corse vive loin des intrigues politiques du vieux continent, il fallait pour cela l’exiler plus loin que l’üle d’Elbe, Ă  moins de 50 kilomĂštres de l’üle natale de l’empereur dĂ©chu
 C’est donc l’üle de Saint-HĂ©lĂšne qui fut choisi pour servir d’oubliettes Ă  NapolĂ©on Bonaparte.

OĂč se trouvent l'Ăźle d'Elbe et l'Ăźle de St HĂ©lĂšne google map NapolĂ©on exil

Conclusion :

Ainsi, le Concert de Vienne voulait en finir avec l’idĂ©e de NapolĂ©on sans en finir avec NapolĂ©on pour autant.

Defaite Napoleon Bonaparte exil guerres anecdotes historiques

Par deux fois la voie diplomatique fut prĂ©fĂ©rĂ©e au risque d’une guĂ©rilla orchestrĂ©e par les gĂ©nĂ©raux encore fidĂšles Ă  Bonaparte. AprĂšs tout, ce qu’a montrĂ© les Cent jours de NapolĂ©on, c’est que le Corse avait encore de nombreux alliĂ©s en France notamment. Le marĂ©chal Ney sera d’ailleurs exĂ©cutĂ© par le nouveau pouvoir royal pour s’ĂȘtre ralliĂ© Ă  l’exilĂ© alors qu’il avait promis au roi « de lui ramener Bonaparte dans une cage de fer Â».

Le choix des nations victorieuses rĂ©pondent Ă  la volontĂ© de retrouver la paix, la stabilitĂ© et si possible le statu quo ante bellum c’est Ă  dire la situation d’avant la RĂ©volution. La rĂ©alitĂ© sera Ă©videmment plus compliquĂ©e que prĂ©vue, mais ça, c’est pour un autre article 😉

Sources de l’anecdotes

Cliquez sur ce lien pour dĂ©couvrir le post Reddit qui m’a inspirĂ© pour rĂ©aliser cet article. Pour comprendre ce choix n’hĂ©sitez pas Ă  lire la page Ă  propos.

Bibliographie

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Erwan Colson

Consultant Data depuis Septembre 2018 et entrepreneur (Fondateur du site RentesMania.fr), je suis passionné d'histoire depuis l'enfance. Ce blog représente ainsi l'occasion de partager ma passion quand mon emploi du temps me le permet !

One Reply to “Pourquoi NapolĂ©on fut condamnĂ© deux fois Ă  l’exil au lieu d’ĂȘtre exĂ©cutĂ©â€

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